(fb) noé&solal - like I'm out of my mind when I'm doing just fine

Mon problème ? Mon problème… Mon problème c’est que je me pose trop de questions. Mon problème, c’est que je suis en train de me monter la tête. Mon problème c’est que toute cette soirée m’a fait flipper parce que j’ai réalisé que bientôt, Noé allait vouloir qu’à ce genre d’évènement, on soit vraiment… tous les deux. Et je ne sais pas si je peux le faire, ni demain, ni dans un mois, ni dans six. Et je peux pas lui faire ça. Du coup la seule chose que j’ai trouvé, c’est de le repousser. C’est mieux comme ça, que je lui dis, mais sa tête m’apprend le contraire. Et je fais taire cette petite voix, dans ma tête à moi, qui est d’accord avec lui. Je l’enfouis sous tout ce que je peux. Je me dis que plus vite ça sera fait, mieux ce sera. Non mais sérieux, je sais que j’ai dit que je veux pas le blesser mais… si je lui dis la vérité, il va vouloir m’aider, il va vouloir me faire comprendre que tout va bien et que c’est normal d’avoir peur. Mais je veux pas voir peur. Ces dernières semaines, j’ai mis de côté ce que ça voulait dire être avec Noé de cette façon. Être avec Noé, ça veut dire assumer au bout d’un moment. J’ai grandi dans un milieu où… comment dire… on accepte pas forcément ce genre de chose parce que c’est pas raccord avec l’image qu’on se fait d’un vrai mec. Je suis heureux que les gens s’acceptent comme ils sont, mais quand il s’agit de moi, c’est pas la même chose. J’arrête pas de me répéter que c’est mieux comme ça, je sais pas qui j’essaie de convaincre le plus entre lui et moi. Noé me regarde sans y croire et il attend une explication que je n’arrive pas à lui donner. Je sais que je suis en train de faire de la merde mais mon esprit est comme noyé sous toute cette situation impossible à gérer. J’ai commencé un truc et je ne sais pas comment m’en sortir. Je sais à peine ce que je fais. En voyant son visage, je sais quand même que je suis en train de le sacrifier lui, ou en tout cas, ce qu’on avait commencé ces derniers temps. Ses baisers. Ses sourires. Ses caresses. Je suis en train de tout jeter. J’arrive pas à me rendre compte.
Je veux juste que tout ça s’arrête. S’il vous plaît, je veux juste que ça s’arrête.
C’était une grosse erreur de venir avec lui à cette soirée. Toutes mes angoisses que j’avais réussi à ignorer me sont revenues en pleine gueule. Et là, je me retrouve à faire ce que je peux. Je lui dis que si c’est pas mieux pour lui, c’est mieux pour moi, c’est tout. Ma tête va exploser. Faut vraiment que je parte avant de perdre mon calme. J’essaie d’être le plus neutre possible mais je suis presque sûr que ce n’est pas vraiment le cas. Je me sens tellement mal que j’ai envie de frapper quelqu’un… ou enfin, au moins quelque chose. Alors même si ça fait de moi un parfait connard de laisser Noé comme ça, sans explications précises, je fais demi-tour et commence à partir. J’ai pas le choix. J’ai le souffle court et la gorge serrée. C’est pas supposé être si difficile. Je veux dire, allez mec, c’est pas comme si t’étais… c’est pas si Noé et toi vous alliez… Je ferme les yeux, essaie d’oublier la douleur sur son visage… et la seconde d’après, c’est encore sa voix que j’entends. « Attends. » Sa main est sur mon épaule. Putain, il a pas le droit de me toucher, il peut pas me toucher maintenant. Pourquoi il me touche ? Ma gorge se sert un peu plus, tout comme ma mâchoire. J’ai le réflexe de serrer le poing. « J’ai compris que tu ne voulais pas de moi » continue Noé. Non, non, non... C’est juste que ça semble tellement mal. Tu veux de lui, et tu le sais. Mais c’est plus facile de lui faire croire que non. Non, je veux pas de lui. On s’est juste amusés, pas vrai ? J’ai à nouveau envie de vomir. Je me dégage sèchement pour que sa main arrête de toucher mon épaule tandis qu’il poursuit : « mais je suis toujours là si t’as besoin de parler » Mes yeux me piquent. Pourquoi il me fait ça ? Je viens de le lâcher sans explications et il veut toujours m’aider ? J’ai limite envie de rire sur le coup. C’est une blague. Il peut pas juste me laisser partir et on reparle plus de toute ça ? Il peut pas juste m’insulter ? Même si ça fait mal ? La colère et la frustration prennent le dessus. J’en ai marre, marre de tout. Marre de moi. Marre de lui parce qu’il rend la chose encore plus compliquée. Je me retourne complètement et ne peux me maîtriser ensuite. Je repousse Noé assez brutalement. « Mais lâche-moi putain ! J’ai pas besoin de te parler, je vais très bien ! » ai-je rétorqué en haussant la voix. Je n’arrive pas à desserrer mes poings. J’ai un comportement de taré, je le sais bien. Tout ça n’a aucun sens. Ce que je fais n’a aucune sens. Je peux pas me mettre à être violent contre Noé… Mais je suis juste tellement en colère contre tout, et j’ai la trouille aussi… et je fais juste n’importe quoi. Je me regarde faire, sans trop comprendre pourquoi j’ai fait déraper les choses comme ça. J’ai envie de pleurer. « Je vais très bien, okay ? » ai-je répété, toujours agressif. Parfois, c’est plus facile de repousser les gens que de les laisser s’approcher de trop près. C’est cliché, c’est con, mais c’est comme ça. Pourtant je le sens, je suis à pas grand-chose de craquer, de lui dire la vérité, de prendre son visage entre mes mains et de m’excuser. Mais j’y arrive pas. Je revois sans cesse le visage dégoûté de celui qui est encore aujourd’hui mon parrain. Maintenant j’ai l’impression que c’est moi qu’il regarde comme ça. Mes yeux me piquent de plus en plus mais je continue de lutter contre le ras de marée d’émotions qui menace de me submerger. Les paumes vers le ciel, je le regarde, menaçant, et commence à faire quelques pas à reculons pour pouvoir m’éloigner de tout ça pour de bon cette fois. J’ai l’impression de trembler de partout. J’ai douloureusement conscience que si Noé essaie à nouveau de me retenir… je sais pas ce qui va se passer.

La fatigue menace de m’achever si la colère et la peur s’en vont. J’ai pas voulu que les choses se passent ainsi, mais être au milieu de tous ces gens dont certains sont venus en couple… ça m’a fait réaliser des choses. Ma tête me dit que je suis ridicule  mais je suis en train de le faire quand même. Rompre avec lui. Enfin est-ce que c’est le bon mot ? On n’avait pas vraiment officialiser le truc après tout. En tout cas, je mets un terme à ce qu’on avait commencé. Je suis un putain d’égoïste qui fait ça uniquement pour se protéger, parce que c’est la solution de facilité. C’est plus fort que moi. Seulement rien ne se passe comme prévu. À mon grand désespoir, même blessé, Noé reste Noé. Il veut comprendre, il veut aider. Et sa main sur mon épaule… Ce simple contact me donne envie de hurler. Pourquoi il fait ça ? À croire qu’il le fait exprès. J’ai l’impression d’être une boule de nerfs en feu. Résultat, tout ce que je suis capable de faire c’est de me dégager et de le repousser brutalement. Je n’aurais jamais fait ça dans mon état normal mais là, je me sens à bout. Je veux que ça s’arrête. Alors je me retiens de crier que je vais très bien, vraiment très bien, et que je n’ai, en gros, pas besoin de lui. C’est ça, je n’ai pas besoin de lui. Je fais ça tout en essayant d’ignorer l’expression de son visage, un mélange de peur, d’incompréhension et de douleur. Je n’ai pas voulu ça, mais c’est comme si mon corps ne m’appartenait plus, comme s’il obéissait juste à mes angoisses. « Non tu ne vas pas bien et tu sais quoi c’est pas grave ça arrive à tout le monde » reprend Noé avec prudence. Bien sûr qu’il ne veut toujours pas me laisser partir. Il aura décidé d’être lui-même jusqu’au bout, contrairement à moi. Je fulmine, les poings serrés, à me dire qu’il faut absolument que je me calme. Pas question d’être à nouveau agressif de façon physique envers lui. Je me sentirais encore plus merdique que maintenant. Mais seulement je… Je me sens tellement perdu. Je prends une profonde inspiration et regarde ailleurs, la mâchoire crispée. Ça arrive à tout le monde, vraiment ? « Tu veux que je te dise un secret, et bien moi aussi ça m’arrive et j’ai même peur des fois. J’ai peur de ne pas réussir ce que je veux dans la vie, j’ai eu mon bac mais je ne sais pas ce que je veux faire plus tard  » continue Noé. Pendant qu’il parle, je presse la paume de ma main contre mes yeux.  J’ai envie de disparaître. La migraine arrive. Je crois que je comprends ce qu’il veut dire… et de ce fait, ça me donne l’impression qu’il m’a percé à jour. Merde. Je dois être tellement ridicule.  « Arrête… juste arrête de parler... » Et juste comme ça, toute la colère retombe. Disparue. Envolée. La lourdeur qui m’envahit alors me donne envie de me laisser tomber au sol et de ne plus jamais bouger de toute ma vie. Je déteste la façon dont mes paroles viennent de sortir. Cette fois ça n’a pas été de façon agressive. C’était comme un murmure, une supplique… Ce qui est encore pire dans un sens parce que ça veut dire que je suis en train de craquer. Non… « C’est pas comparable avec la peur de ne pas trouver ce que tu veux faire dans la vie... » ai-je poursuivi sur le même ton. Et je pense qu’il est bien placé pour le savoir. La fatigue s’empare de moi comme une chape de plomb. Alors, je fais quelques pas… Pas pour partir cette fois, juste pour… Je sais pas. Ah, si: m’asseoir. Je me laisse glisser dans un recoin, contre le mur du magasin. Inspire, expire. J’aimerais juste m’éclaircir la tête cinq minutes, mais je sais qu’il ne va pas me lâcher. Je viens de me griller, je viens d’admettre la raison de ce… pétage de plomb. Il sait que tout ça, c’est parce que j’ai peur. Putain. Je suis pas doué pour rompre, faut croire. Je soupire et tente une dernière fois, sans convictions : « Retourne profiter de la soirée, Noé. »

J’ai réussi à foutre en l’air notre soirée à moi tout seul. C’est la dernière chose que je voulais mais je n’ai pas pu faire autrement. C’est juste que depuis que tout ça a commencé avec Noé, je suis dans le déni. Je me suis enfermé l’esprit dans une petite bulle confortable et la bulle en question a éclaté parce qu’en venant à cette soirée, j’ai réalisé que bientôt, il voudrait sûrement que notre relation soit publique, et qui dit publique dit… Les gens, le monde. C’est effrayant et je ne sais pas si je suis prêt pour ça. On est au vingt-et-unième siècle mais c’est toujours flippant. Malgré toutes mes tentatives, Noé est encore là. Je lui ai pourtant dit que c’était fini et il veut m’aider. J’en rigolerais presque si je n’étais pas dans cet état, si les circonstances étaient meilleures. Il tente de me faire comprendre que la peur, c’est normal. Je finis par lui demander de se taire parce que tout ça, c’est juste trop. Je sais plus quoi penser et surtout… surtout, la colère a disparu. Elle s’est évaporée. Seulement c’était mon seul bouclier pour mettre fin à tout ça. J’aurais dû partir avant. J’aurais dû partir avant parce que si la colère n’est plus là… Merde. Du coup je lui que ce qui racontait n’est pas comparable avec cette peur là. Il ne dit rien. Il ne dit plus rien mais… C’est plutôt évident qu’il a compris mon problème. Je dois lui paraître ridicule. C’est complètement con de se monter la tête comme ça alors qu’on est vraiment bien tous les deux. Mais parfois ça ne suffit pas… Est-ce que ça peut me suffire à moi ? Sonné, je m’éloigne de lui pour aller m’asseoir contre un mur du magasin. J’en oublierai presque qu’il y a une soirée qui se déroule juste à côté. La fatigue que je ressens est intense maintenant que la colère est partie. J’ai l’impression qu’on m’a frappé, que toutes les questions que je me pose depuis plusieurs semaines sont en train de me vider de mon énergie. D’ailleurs, je fais une dernière tentative. Sans trop y croire, je dis à Noé de retourner à sa soirée. Parce que c’est sa soirée, elle lui tenait à coeur et j’aimerais juste qu’il profite et qu’il oublie mes conneries… mais bien sûr non. De ma place, je le regarde s’approcher et me rejoindre. Je finis par regarder en face de moi alors qu’il s’installe juste à côté. C’est pas bon ça, j’ai du mal à réfléchir quand il est si près. « Je m’en fiche de la soirée, il y en aura d’autres. » Ouais… Une autre que je pourrai foutre en l’air. Ou une autre où je ne serai pas. Ca me frappe d’un coup. Avec ce que je viens de faire, ça pourrait être notre seule et unique soirée. Si je nous donne aucune chance… Cette pensée me remplit de tristesse. « Tu sais que tu peux me dire de quoi tu as peur si tu as besoin » C’est officiel. Je crois que je le déteste. Vraiment je le déteste comme on déteste un proche qui nous a percé à jour pour truc dont on n’a pas envie de parler. « On peut aussi rester ici en silence » continue Noé au bout d’un moment alors que je ne dis toujours pas un moment. C’est bien, le silence. C’est vrai que c’est bien, surtout pour se calmer. Pendant les prochaines minutes, c’est ce que j’essaie de faire, reprendre mes esprits, mais c’est difficile parce qu’il est juste à côté de moi et aussi parce que les choses ne sont toujours pas réglées. Enfin si, elles sont réglées… J’ai dut que c’était terminé, non ? La panique me fait serrer les dents. Qu’est-ce que je suis en train de foutre ? On reste un certain temps comme ça, dans un presque silence. On entent des éclats de voix et la musique de la soirée et, un peu plus loin, la circulation parisienne. Le recoin où nous sommes est plongé dans l’obscurité. L’éclairage parvient encore un peu jusqu’ici mais on est quand même assez loin de l’entrée du magasin. Plongé dans le bordel qu’est ma tête à cet instant, j’ignore combien de temps je mets à reprendre la parole. « La première fois que j’ai pris conscience que y avait pas que des hétéros dans le monde… Je crois que je venais juste de connaître ton frère donc j’étais assez jeune. Le meilleur ami de ma mère à l’époque m’emmenait au foot et en sortant du RER, on a vu ces deux gars en train de s’embrasser sur le trottoir. Du coup, maintenant, quand j’entends parler de deux mecs qui s’embrassent, la première chose qui me vient en tête c’est l’expression dégoûtée sur le visage de celui qui a été ma seule figure paternelle que j’ai eue pendant mon enfance. Ça et son “vous devriez avoir honte” bien sûr. Je me souviens même pas de ce que les deux mecs ont répondu, juste de ça. » Je marque une pause. C’est la première fois que je lui raconte cette histoire. J’avais pensé à le faire lors de la soirée de son bac en me disant qu’il valait mieux que je le prévienne mais j’ai pas pu. Mon cerveau a du mal à se dire que je lui ai raconté l’histoire. « Ça veut pas dire que je pense comme lui évidemment. C’est juste que forcément… disons que ça joue un rôle. » ai-je continué d’une petite voix qui ressemble plus à un murmure qu’autre chose. C’est limite si j’ai l’impression de me tenir nu devant lui. Un frisson me parcourt. J’ai déjà ouvert les vannes, c’est trop tard pour s’arrêter maintenant. « Être ici m’a fait penser qu’à un moment tu voudrais sûrement qu’on aille à ce genre de soirée… Sans qu’on prétendre qu’on soit juste amis. Et… sur le moment j’ai pas eu l’impression que je pouvais pas le faire. Et j'ai paniqué. » ai-je continué à expliquer. Chaque mot semble écorcher mes lèvres à leur sortie. Je suis vraiment en train de faire ça, lui donner une raison de me convaincre que tout n’a pas à s’arrêter ce soir.

Je voulais pas le blesser avec mes doutes mais on n’a pas toujours ce qu’on veut dans la vie. C’est pour ça que j’aurais préféré qu’il retourne à la fête plutôt qu’il reste avec moi, assis contre un mur dans la cour du magasin où il travaille. Ma tête est encore en bordel et je ne suis pas sûr de savoir quoi lui dire après ce qui vient de se passer. Seulement, bien sûr, Noé a fait le choix de rester avec moi. Pourquoi je suis pas surpris ? On parle de Noé après tout. Je viens de lui dire que je ne voulais pas de lui et il veut savoir si je vais bien. Enfin, je doute qu’il veuille savoir si je vais bien. Il sait que ce n’est pas le cas donc il veut savoir ce que j’ai. Il essaie de m’encourager à lui parler, tout en précisant que le silence est bien aussi. C’est vrai que le silence est bien aussi. Je ne sais pas si je dois lui parler ou pas, je ne sais pas si j’en ai envie, je ne sais pas quoi lui dire… Non, c’est des conneries. Je sais très bien que j’ai envie de lui parler pour arrêter de me prendre la tête, mais pendant un temps, les mots restent bloqués. En plus, je ne sais pas vraiment ce que je veux. Il y a des tas de choses que je voudrais lui dire mais je ne sais pas par où commencer. Le déni est encore présent mais parfois, faire face à ce que tu veux réellement est bien plus flippant. Au bout de je ne sais combien de temps de silence, je finis par ouvrir la bouche. J’ai l’impression de pousser les mots pour qu’ils sortent mais une fois que j’ai commencé, je ne m’arrête plus. Une part de moi se dit qu’il mérite de comprendre ce qui est en train de se passer, que je ne peux plus lui mentir. Je ne veux plus lui mentir de toute façon. Alors je lui raconte ce dont j’ai envie de lui parler depuis qu’on s’est embrassés sur le canapé du bureau de son père lors de sa fête. Je lui explique en gros, une des raisons qui explique pourquoi tout ce qui se passe entre nous est en train de me faire perdre pieds. Mes mots retracent cette fameuse anecdote qui peut sembler ridicule mais qui m’a marqué. Le dégoût que peut inspirer la communauté LGBT à des gens ignorants. La honte que ces deux hommes étaient supposés ressentir. Cette image m’a marqué et malheureusement, elle a du mal à me quitter. Je raconte à Noé toute l’histoire sans le regarder, mes yeux sont fixés sur un point invisible du droit devant moi. Il me laisse faire. Quand je lui explique pourquoi j’ai paniqué, Noé n’a toujours rien dit. La seconde après que les derniers mots soient sortis de ma bouche, la panique revient et cette fois, c’est parce que j’ai peur de plus pouvoir revenir en arrière avec lui. Sur le moment, je suis surpris de la force avec laquelle cette idée me frappe. « Je vois, je pourrais te dire qu’il ne t’arrivera jamais rien de tout ça si tu décides un jour de t’afficher avec un homme, que ce soit moi ou un autre, mais je peux rien te promettre. » finit par dire Noé. Perturbé, l’air s’échappe bruyamment de mes poumons. C’est comme si j’avais oublié comment on fait pour respirer. Je sais très bien qu’il ne peut rien me promettre et ce n’est pas ce que je lui demande… Enfin je crois. J’imagine qu’au fond, ça m’aurait arrangé qu’il le fasse mais autant arrêter les mensonges pour le moment. Je ne dis rien et le laisse continuer. « Par contre ce que je peux te promettre c’est de ne jamais te forcer à quoi que ce soit. Si tu veux vraiment qu’on arrête maintenant tous les deux je respecterai ta décision mais je veux que ce soit parce que tu ne veux pas sortir avec moi et pas parce que tu as peur que je force à faire quelque chose que tu n’es pas prêt à faire parce que je le ferai jamais » Je regarde toujours droit devant moi, avec la sensation d’être dans un autre monde. L’alcool a sûrement son rôle à jouer aussi. Je me sens comme quelqu’un qui est sur le point de prendre une décision très importante pour son avenir. Je sais pas quoi lui dire. Il me forcera pas à faire quoique ce soit, ça je le sais mais si on continue que ça devient sérieux de chez sérieux, il ne peut pas nier qu’à un moment… il voudra sortir de l’ombre. C’est normal, au bout d’un moment t’as juste envie d’être avec la personne comme un véritable couple. C’est souvent la suite logique des choses. « Je sais que tu veux pas me forcer à quoique ce soit mais… Tu peux pas me regarder droit dans les yeux et me dire que tu voudras pas qu’on sorte en public à un moment. Et en tant que couple. » En parlant, je finis par le regarder aussi et nos regards se croisent. Pendant une fraction de seconde, mes yeux descendent jusqu’à ses lèvres, comme un réflexe avant que je ne me mette à regarder droit devant moi. C’est dur de résister… Même si je lui ai dit il y a quelques minutes que je voulais plus de lui. « Ce n’est pas toi en qui j’ai pas confiance, c’est en moi. » J’ai envie de lui en dire davantage mais je ne trouve plus les mots parce que je me trouve pathétique. Je me trouve pathétique à essayer de lui expliquer pourquoi je me mets dans cet état alors qu’on était juste très bien tous les deux. Je suis vraiment un idiot. Dans tout ce merdier que je viens de créer, c’est difficile de me rappeler la vérité. Je le regarde encore une fois pour essayer de la distinguer. J’essaie de me rappeler ce que ces dernières semaines ont été et si je suis prêt à dire au revoir à tout ça parce que j’ai peur. Mes yeux détaillent son visage et je me dis que si ça se trouve, je peux le faire de cette façon pour la toute dernière fois. Détailler les courbes de ses lèvres et la couleur de ses yeux autant que je veux sans que ça ne soit gênant. Imaginer mes doigts s’attarder sur sa peau et mes lèvres rencontrer les siennes. Tout ça, pour la dernière fois. Une main géante me comprime la poitrine. J’essaie de respirer calmement l’air de la nuit parisien et de me concentrer sur ce que je veux. « Noé… » C’est fou le courage qu’il faut pour être juste soi même. J’arrête pas de me répéter que la vraie question c’est de savoir si je suis prêt à dire au revoir à ce qu’on avait commencé à avoir. Si ça avait été une histoire juste physique entre nous, ça ne serait pas aussi difficile de prendre une décision, de lui dire que oui, je ne veux pas de lui. Si je veux que tout s’arrête, je n’ai qu’à lui confirmer que oui, je ne veux pas sortir avec lui.
Tout s’arrête.
C’est le moment d’arrêter de penser. C’est le moment de se dire que je mérite mieux que de vivre une seconde de plus en me prenant la tête comme ça. « J’ai menti. Je veux pas qu’on arrête… Enfin je le voulais mais pas pour les bonnes raisons. » ai-je murmuré. Allez Solal, pousse le truc un peu plus loin, tu le lui dois. « Je… Je veux être avec toi. »

Je n’ai pas voulu que cette soirée évolue de cette façon. Je n’ai pas fait exprès de foutre en l’air sa soirée boulot à cause des conneries qu’il y a dans ma tête. La peur est un fléau qui a tué plus de rêves et de gens que n’importe quelle autre fléau sur terre. Tout en lui expliquant ce que je peux avoir en tête, je me rends bien compte que c’est ridicule. On est en 2013. On est en 2013 et j’ai beau me dire ça, l’angoisse est quand même là. Je voudrais juste pouvoir profiter de la présence de Noé et pourtant je m’inquiète trop. En tout cas, une fois que les vannes sont ouvertes, elles ne se referment plus. Non seulement je lui raconte cette fameuse anecdote qui concerne Marco, mais je vais plus loin. Je le confronte sur l’idée qu’il ne peut pas me garantir qu’il ne voudra jamais qu’on sorte en public. Nos regards se croisent et ainsi, je peux voir que j’ai raison. Malgré toute son envie de me rassurer, dans cette douce nuit parisienne, il ne peut pas me dire que si on continue comme ça, il ne voudra jamais passé à l’étape supérieure. Autrement dit : nous en couple. Rien qu’en y pensant… ça me fait bizarre. Je ne sais pas quoi ressentir. Est-ce que je ne me pose pas de questions aussi parce que c’est le petit-frère de mon meilleur amie ? Ça doit aussi jouer. Mais il doit savoir qu’il n’y est pour rien, c’est très important. J’ai beau avoir l’esprit en vrac, je veux qu’il sache que c’est en moi que je n’ai pas confiance, pas en lui. Seulement c’est gentil de lui dire ça, mais il va falloir penser à être plus clair dans ce que je veux. Faut absolument que je me décide parce que… parce que. C’est savoir si je le laisse partir parce que c’est plus facile comme ça. J’ai enviede plonger ma tête entre mes bras et de hurler ma frustration. Je suis vraiment un connard et un lâche. C’est la peur qui me fait douter alors qu’on était très bien jusque là. Très bien, malgré mon envie de ne pas affronter mes doutes, sauf que maintenant, j’y suis. J’essaie d’ignorer tout l’espoir qui émane de lui pour me concentrer sur moi. Je veux être sûr de ma réponse, ne pas le faire espérer pour rien. Seulement voilà, les mots finissent par s’échapper de ma bouche sans que je ne le réalise vraiment. C’est comme si j’avais réussi à remettre un peu d’ordre dans le bordel qui règnait dans mon esprit. Parce qu’au fond, c’est ce que je veux, être avec lui. Quand je vois sa réaction, son immense sourire, ça me fait quelque chose d’indescriptible. Je me mordille l’intérieur de la joue pour me retenir de sourire devant sa réaction. En vrai j’ose à peine le regarder parce que y a beaucoup de choses qui sont en train de se passer. « Je suis content de t’entendre dire ça parce que moi aussi je veux être avec toi  » Là, impossible de me retenir de sourire. Je vois qu’il se retient parce qu’il n’est pas sûr de savoir comment se comporter avec moi. Comment lui en vouloir ? « Je suis désolé de t’avoir proposé de venir avec moi à cette soirée, je n’avais pas réalisé l’effet que ça pouvait avoir sur toi » continue Noé. Là, j’ai du mal à ne pas réagir en l’entendant. En fait je rigole même parce que je reviens pas que ça soit lui qui s’excuse. « C’est moi qui fous le bordel avec mes angoisses et c’est toi qui t’excuses. » ai-je soufflé en secouant la tête. Ce gars me tue. Allez, reprends-toi et essaie de corriger tes angoisses. « Je suis désolé pour ce que j’ai dit tout à l’heure et pour avoir merdé ce soir. » Je sais qu’on réagit pas tous à notre façon à l’idée d’accepter qui on est, qu’il n’y a pas de honte à avoir du mal à accepter les choses et tout ça, mais je ne peux pas m’empêcher d’être dur avec moi-même et ce, surtout parce que j’ai blessé Noé. « T’es sûr que tu veux encore être avec moi ? Tout ce que je peux te promettre c’est de bosser sur mes angoisses, pas que… pas que ça sera parfait à ce niveau à partir de demain. »