(fb) noé&solal - like I'm out of my mind when I'm doing just fine

C'était une mauvaise idée. Je n'aurais pas dû accepter. Quand il m'a proposé d'être son plus un à cette soirée de boulot, j'aurais dû dire non. J'aurais dû dire demande à ton frère ou à tes potes, eux ils t'accompagneront sans problèmes. Le seul problème ce que j'avais envie d'être son plus un. Même en sachant qu'on allait juste passer pour potes, j'ai eu envie de venir. Je voulais juste être son plus un, je voulais juste être celui qu'il choisirait. Et il m'a choisi. Il m'a proposé de venir avec lui à une soirée organisée par Abercrombie au magasin des Champs Elysées. La soirée est organisée pour les employés des différents magasins parisiens car si j'ai bien compris ce que Noé m'a dit, les chiffres sont bons. Et chaque employé a eu le droit d'amener quelqu'un. J'ai accepté parce que j'ai voulu lui montrer que passer la soirée avec lui, c'est important pour moi. Sauf que maintenant... je regrette. Ça fait deux heures  qu'on est là. Et j'ai oublié de dire un détail : c'est la première fois qu'on sort tous les deux pour une soirée. Ça fait presque trois semaines que la soirée du bac de Noé a eu lieu et depuis, on s'est toujours arrangés pour se voir soit chez moi, soit chez lui quand il y avait personne. Ou alors, ils nous est arrivés de sortir en ville juste pour aller chercher un truc, pas beaucoup mais quelques fois. Il est venu me faire chier au boulot une fois, c'était drôle. Et à chaque fois qu'on était en extérieur juste tous les deux, on était juste en mode potes. Seulement une soirée, c'est différent. Lors d'une soirée, l'atmosphère n'est pas la même, surtout quand c'est une soirée Abercrombie où tout le monde mérite d'être sur la couverture d'un magasine de mode. Quelques couples couples sont là par exemple.

Je prends une grande inspiration. J'ai un verre à la main, le troisième en trente minutes. Un martini, je crois. Je crois que j'ai perdu Noé quelque part entre l'accueil et là. C'est peut-être pas plus mal. J'ai besoin d'une pause. Ma tête est en train de partir en couille et les doutes reviennent. Je suis qu'un connard. J'ai envie de me tirer. J'ai envie de me tirer. Je suis un connard. Je peux pas laisser Noé. J'inspire par le nez, j'expire par la bouche, encore, encore et encore. Calme-toi putain. J'avale une gorgée de mon verre. Ouais l'alcool a peut-être pas aidé. Je pose le verre sur la première surface plane que je croise. J'ai l'impression que j'arrive pas à respirer. Depuis ce qui s'est passé à la soirée du bac, j'ai réussi à enfouir mes angoisses en me concentrant sur les moments présents, les moments qu'on a réussi à voler dans notre quotidien. Mais en public, c'est autre chose. En public, je me dis... quoi ? Est-ce que je me vois en couple avec un mec ? Est-ce que je suis gay ? Est-ce que c'est une phase ? Est-ce que je m'amuse juste ? Après tout, je suis encore jeune alors si ça se trouve, je veux juste tester des trucs. J'ai beau ne pas avoir vu Marco depuis un moment, j'ai grandi près de lui et de ses opinions. J'ai aussi grandi en voyant que des choses terribles pouvaient arriver aux gens de cette communauté.

Pu-tain. Faut que je sorte d'ici. Faut que je sorte d'ici parce que je suis en train de me monter la tête. Je suis trop con. C'est pour ça que j'ai demandé à Noé d'être patient avec moi, parce que dans ma tête, c'est le bordel. La plupart du temps, quand il est avec moi, j'arrive à tout mettre sur pause, mais quand j'ai le temps de trop penser et que je suis tout seul... c'est la catastrophe. Je veux pas être comme ça. Je veux pas lui faire du mal mais... est-ce que j'ai envie que les gens me regardent différemment ? Je descends doucement les escaliers, histoire de pas me casser la gueule. Il y a de la musique partout, des gens partout. Un collègue de Noé m'arrête quand j'arrive en bas pour me demander si je sais où il est. Je lui réponds à peine. Il ignore, comme tout le monde ici que ma nouvelle passion dans la vie c'est d'embrasser celui qu'il recherche. Ma vision s'est transformée en tunnel. Tout ce que je vois c'est la porte pour sortir. Tout le reste a disparu. Peut-être que je fais une crise de panique. Je pense au futur. Je me dis qu'à un moment, Noé va vouloir devenir officiel et... et y a Ilyès et... y a nos potes et... y a le monde... Faut que je sorte. J'aurais pas dû boire ce soir. Je sors précipitamment du magasin. La nuit vient juste de tomber mais il fait encore bon en cette fin du mois de juillet. Certains invités sont en train de fumer une clope mais y a très peu de monde. Je prends une nouvelle grande inspiration. Arrête tes conneries, mec. Au bout de quelques secondes, je réussis à me vider la tête. Faut que je retourne à l'intérieur et que je retrouve Noé.

Je sais pas ce que j'ai. Quand je sors dans le jardin d'Abercrombie, j'inspire profondément. L'air frais de la nuit fouette ma peau brûlante et me réveille un peu. Le côté positif c'est que le magasin ne donne pas directement sur les Champs, du coup le cadre est plutôt calme. Les clients entrent par une grille en fer forgé et suivent une courte allée bordée d'une belle pelouse verte. Malheureusement malgré ce calme, j'ai du mal à me remettre les idées en place. Mon esprit est un gigantesque bordel, mélange d'images, de questionnements, de paroles et de souvenirs. J'ai demandé à Noé du temps mais je me demande combien de temps il est prêt à m'accorder, combien de temps il est prêt à m'attendre. Est-ce qu'il est sûr qu'il veut m'attendre d'abord ? Est-ce que ça vaut le coup ? Nouvelle inspiration. Je crois que je dois faire une attaque de panique. Je sais pas à quoi ça ressemble mais j'ai l'impression que ça doit être un peu près ça. Je me sens perdu, j'ignore à quoi me fier. Je regarde un groupe de quatre personnes en train de fumer. Il y a un couple pas loin d'eux. Je détourne le regard. Je me pose trop de questions, je le sais. On est en 2013. Des gens font parties de la communauté LGBT+ sans que ça ne cause de crises existentielles. Apparemment, je n'ai pas eu le mémo. Ce que je sais par contre, c'est qu'il faut que je me calme avant de retrouver Noé. Je ne veux pas gâcher sa soirée mais apparemment, je manque de chance ce soir car je vois soudain la silhouette de Noé descendre les escaliers de l'entrée. Il me repère tout de suite alors que je m'adosse contre le mur. Je déglutis, une douleur sourde monte dans ma gorge quand je le vois arriver d'un air tranquille.  « T'es là » dit-il simplement. J'esquisse un léger sourire. « Ouais... je voulais juste prendre l'air. » ai-je expliqué d'une voix qui me semble un peu rauque. Déjà, j'ai réussi à parler, c'est bien. Si je réussis à ce qu'il retourne à la fête, je pourrai reprendre mon moment de panique. Je m'accroche à ça, c'est comme si je restais en apnée en sa présence, et que j'allais à nouveau pouvoir... paniquer/respirer une fois qu'il sera reparti. J'essaie d'avoir un air normal alors que c'est toujours la tempête dans ma tête. « Mais retourne avec tes collègues, t'occupe pas de moi. Je prends juste l'air cinq minutes et je retournerai à l'intérieur après. » J'essaie d'être convaincant. Retourne à l'intérieur, retourne à l'intérieur, retourne à l'intérieur. Je veux pas lui gâcher la soirée et surtout, je veux pas qu'il voit que je suis en mode panique.

Son T'es là me donne l'impression d'un coup de poing dans le ventre. Il est plein d'inquiétude mais il traduit aussi le fait qu'il soit soulagé de me voir... enfin je crois. C'est l'impression que j'ai et ça me fait me sentir encore plus merdique. Je suis en train de lui gâcher sa soirée. Alors pour ne pas qu'il s'inquiète et surtout, pour que je puisse continuer à avoir mon moment de panique sur mon identité sexuelle, j'essaie de lui faire comprendre que j'en ai que pour quelques minutes, que je prends juste l'air, que tout va bien. Je veux le pousser à me laisser seul. La dernière fois que j'ai fait ça, c'était pendant la soirée organisée pour son bac, sauf que cette fois-là, je l'ai fait pour éviter d'être tenté. On sait tous comment ça a fini. « Ne me mens pas, tu n’as pas l’air bien » répond Noé. Mais je mens pas, je mens pas, je mens pas, je mens pas. « Je vais bien. » ai-je réussi à sortir. Je sais pas pourquoi j'ai dit ça. Réagir sur ça plutôt que sur le fait qu'il m'accuse de mentir... c'est limite un aveu que je viens de faire. Je suis tellement con, mais ma tête en vrac me met au supplice. L'air ne me fait plus du bien. Maintenant que Noé est là, avec moi, mes interrogations sont encore plus fortes. « Je t’ai dit que je serais là pour toi et c’est encore le cas » poursuit-il. Ça, ça veut dire qu'il ne va pas me laisser tranquille. Ce qui veut dire que cette idée de faire comme si j'étais en apnée pendant sa présence et de respirer après qu'il soit parti... ça ne va pas marcher. Qu'est-ce que je fais ? En fait, ce qu'il me dit me fait vraiment me sentir encore pire. Il est adorable et moi tout ce que je fais c'est de remettre tout en doute. Je remets ces dernières semaines en doute, tous les moments passés ensemble depuis sa soirée. Tout repasse en boucle dans ma tête avec un filtre "phase". Je me sens piégé, qu'est-ce que je fais ? Putain, qu'est ce que je fais ? « Noé... » ai-je soufflé en me passant l'arrête du nez. Je ferme les yeux et serre les dents. Les bons mots ne viennent pas. Ça ne devrait pas être aussi difficile. On est en 2013 et tout ça devrait passer crème, mais ce n'est pas le cas pour moi. Venir avec lui à cette soirée m'a fait réaliser beaucoup trop de choses. Tant qu'on est tous les deux ça va, mais on ne pourra pas le reste éternellement. Si Noé veut que ça aille plus loin, il va finir par vouloir être avec moi dans ce genre de soirée. Avec moi. Est-ce que je peux le faire ? Est-ce que je suis prêt à franchir ce cap ? À de voir perpétuellement annoncer aux gens que non, je ne suis pas hétéro ? À faire face à leur surprise alors que les hétéros n'ont pas à faire tout ça ? À entendre des insultes ? À croiser des regards désapprobateurs ? À lire des articles sur des gens qui comme moi qui se font tabasser ou même tuer ? Est-ce que je suis prêt à laisser le monde me mettre dans une catégorie et à ne plus jamais en sortir ? Et si mes proches réagissent mal ? Et s'ils me regardent différemment ? Tout paraît tellement plus simple quand t'es hétéro, tout comme tout paraît plus simple quand t'es blanc. Et maintenant, je serais ni l'un, ni l'autre ? « Je... » Je dois lui dire, tout de suite. Je peux pas le laisser croire que... quoi au juste ? Je sais même pas ce qu'on est ? C'est pas mon copain. Si je tenais vraiment à lui, j'aurais aucun problème à m'afficher avec lui pas vrai ? Alors je peux pas le laisser espérer si au final... si au final, je me sens même pas capable d'être celui que je pourrais être avec lui. Putain. J'avais jamais réalisé à quel point il fallait en avoir du courage pour être la personne qu'on est vraiment. « Je pense qu'il faudrait peut-être qu'on arrête là. C'était sympa mais bon... » ai-je réussi à articuler comme si c'était évident. Wrong. Wrong. Wrong. Pourquoi ça sonne aussi mal dans ma bouche quand je dis ça ? Les mots sonnent faux. Si c'est le choix le plus facile à faire, pourquoi chaque mot a semblé écorché ma bouche, mes lèvres ?

Je me traite de tous les noms de faire ça à Noé. C’est une soirée de boulot et je devrais être content qu’il m’ait choisi pour l’accompagner mais à la place, je suis en train de tout foutre en l’air. Son inquiétude me transperce et elle me fait me sentir encore plus mal. J’ai beau lui dire que je vais bien, je sais qu’il ne me croit pas. Il ne partira pas pour me laisser seul dans mon coin. Ma bouche s’ouvre seulement pour souffler son prénom. Qu’est-ce que je suis en train de faire ? Mon esprit est en guerre entre deux parts de moi. Je savais qu’on en viendrait à ce moment. Je savais qu’un jour ou l’autre, je serai confronté à ça et cette soirée est en train de me le rappeler comme un poing en plein visage. Ce n’est pas suffisant d’être “plus” que quand on est tous les deux. Je doute qu’au bout d’un moment, ça soit assez pour lui. À un moment il faut passer au niveau supérieur mais… Est-ce que je veux le faire ? Est-ce que je peux le faire ? Je peux à peine soutenir son regard. Les mots ne sortent pas. Comment je peux me poser la question ? Ces dernières semaines passées avec lui ont été tellement libératrices. Seulement le monde est ce qu’il est et j’ai grandi en étant façonné par la société  dans laquelle nous vivons. Certains arrivent à aller au-delà rapidement, à se dire tant pis mais d’autres… Je souffle un grand coup. Ça demande du courage d’être qui on est dans ce monde et là, tout de suite, j’ai pas l’impression de l’avoir. Alors je me dis que je peux pas faire ça à Noé, le faire espérer alors que je suis pas prêt. Je veux tellement pas lui faire du mal que les mots sont en train d’écorcher ma gorge. Mais ils sortent. Ils sortent parce que c’est plus facile comme ça. Repousser Noé, ça mettra fin à la tempête qu’il y a dans ma tête. Alors ouais, les mots sortent. On devrait peut-être arrêter là et sans réfléchir, j’ajoute le fameux c’était sympa. Je me fais l’effet du plus parfait des connards. Un putain d’égoïste. Voir son visage se décomposer est le plus douloureux. Ça me coupe limite le souffle alors que ma gorge se serre. « Je te crois pas » Le son de sa voix n’est pas mieux. Pourquoi c’est si difficile ? Je n’arrive pas à le regarder. Je me gratte l’arrière du crâne. Il me croit pas. Rends pas la situation plus difficile, je t’en prie. La tempête s’est empirée. Je comprends pas, c’est la solution la plus évidente mais elle est juste… horrible à vivre. Je veux enchaîner en disant quelque chose mais trop de mots se bousculent dans ma tête. À la place, il semble reprendre ses esprits. « Je... Pourquoi ? Qu’est-ce que j’ai fait ? » Quand je comprends qu’il pense que c’est de sa faute, c’est le pire. J’ai l’impression qu’une main invisible vient de déchirer mon coeur en deux. Alors sans réfléchir je m’empresse de dire : « Quoi ? Non, c’est pas toi, c’est... » Moi. Si j’étais un vrai connard, j’irai dans ce sens là. J’inventerais un truc. Je lui dirais qu’en fait, ça marchera pas. Je veux pas vraiment être avec lui d’ailleurs. Non en fait… et puis je crois qu’en fait c’était juste un test, je suis bien 100 % hétéro. « Noé, je… » Non je peux pas faire ça. Physiquement, les mots ne peuvent pas franchir mes lèvres. J’ai l’impression que si je dis un mot de plus, je vais vomir. Ça serait tellement plus facile pourtant, lui faire croire que c’était une erreur et qu’en fait, je ne veux pas être avec lui d’être de cette façon. « Je veux pas… » Je crois que je vais vraiment vomir. Je m’arrête, incapable d’aller au bout du truc. Non, Noé, c’est moi… j’ai la trouille. C’est ce que je devrais dire mais j’y arrive pas non plus. J’arrive à rien. Je croise son regard. Sa détresse amplifie la mienne. Je pince l’arête de mon nez et ferme les yeux. « Arrête… Arrête de me regarder comme ça. » C’est trop difficile quand il me regarde comme ça. Mais c’est juste que je suis un peu beaucoup paumé, et je ne sais pas si j’accepte ce que je ressens pour lui. « C’est mieux comme ça. » ai-je murmuré. Mieux vaut que je le déçoive maintenant que plus tard. J’essaie de faire en sorte que mon visage garde une expression neutre mais c’est tellement douloureux. Seulement, ça sonne tellement faux...

J'arrive plus à respirer. Je sais même plus ce qui est en train de se passer. Tout ce que je sais c'est que tout s'écroule et c'est entièrement de ma faute. Ces dernières semaines sont recouvertes d'un voile terne qui m'empêche de me rendre compte de ce qui est en train de se passer. Je suis juste dévoré par la peur d'accepter ce que je ressens. L'alcool que j'ai pu boire pèse sur mon corps, histoire de m'enfoncer un peu plus. Pour éviter le regarde Noé, je balaie la cour du regard. Les quelques personnes qui sont sorties sont indifférentes à ce qui est en train de se passer pour nous. Au point où j'en suis, j'aimerais limite demander de l'aide et que quelqu'un me sorte de là, mais je sais que c'est n'importe quoi. Je déraille. C'est une situation impossible. J'ai laissé les mots sortirent de ma bouche et maintenant, je fais face à Noé. La douleur que je lis au fond de ses yeux... l'effet que ça me fait est difficile à décrire. Il comprend pas et il me regarde pour que je l'aide à faire sens de tout ça. Sauf que j'y arrive pas. Je veux faciliter le truc en mentant, je me persuade qu'au fond, c'est ce que je veux. Ces dernières semaines ? Une erreur. Rien du tout. Un test. Ouais, c'est ça, un test. Un truc sympa à vivre. Une expérience. En fait, je suis pas sûr que je veuille vraiment... c'est là que ça coince. J'ai beau essayé de me persuader que c'est le bon truc, quand je regarde le visage de Noé, c'est l'enfer. En plus, je réussis à le mettre en colère avec mon "c'est mieux comme ça". « C’est mieux comme ça ? » répète-t-il, comme partagé entre la colère et l'incrédulité. La colère prend rapidement le dessus. Même dans l'obscurité de la nuit, je le vois dans son regard. Je serre les dents et sens ma gorge se nouer, redoutant le déroulement des choses. Ma respiration devient de plus en plus lourde. « Mieux pour qui ? Parce que ce n’est certainement pas mieux pour moi » Je sens qu'il commence à perdre patience. J'aimerais l'aider mais pour ça, il faudrait que je m'aide moi-même. Et maintenant que les mots ont commencé à sortir de ma bouche, j'arrive plus à savoir comment je vais m'en sortir. Je sais pas ce que je veux en fait. « Je.. Je suis désolé mais j’ai vraiment besoin de comprendre » me supplie Noé. C'est horrible. Je suis horrible. Il est horrible de me pousser à bout comme ça. Tout le truc est horrible et je sais que c'est ma faute et que je l'ai mérité et que je suis con à paniquer comme ça mais... je veux juste... je veux juste que ça s'arrête. Je veux juste retrouver la tranquillité d'esprit que j'avais ces dernières semaines mais j'ai l'impression qu'après ce soir, après ce que j'ai réalisé, ça sera impossible. Alors autant... je veux pas qu'il souffre... mais qu'est-ce que je suis en train de foutre ? « C'est mieux pour moi alors. » ai-je réussi à articuler un peu près normalement. Je suis un connard. Ça clignote dans ma tête comme à Las Vegas. Mais c'est mon moyen de me défendre. Je veux pas que ma vie change. Je veux pas être différent. « Y a rien d'autre à comprendre. » ai-je fait d'une voix blanche. Sauf que mon corps est contre tout ça. Prononcer ces mots fait un mal de chien. J'ai l'impression qu'on est en train de m'enfoncer la tête dans un mur. Si je lui dis la vérité, à savoir que j'ai la trouille... il va vouloir me rassurer, me pousser à essayer d'assumer ce que je ressens. Je suis con, j'arrête pas de me répéter. On est en 2013 gars, arrête ça. Des tas de gens vivent bien le fait de ne pas être hétéro. Pourquoi t'en fais tout un plat ? Mais c'est plus fort que moi. C'est plus fort que moi parce qu'autrement, je ferai pas ça à Noé. Je le regarde. J'ai envie de le prendre dans mes bras, de m'excuser et ses lèvres... Merde, merde, merde. Faut que je me casse. Faut que je me casse parce que de toute façon, je suis déjà qu'un égoïste alors un peu plus ou un peu moins. « Désolé d'avoir gâché ta soirée. » Je dois partir parce que ça devient trop... trop. Je peux pas gérer ça. Je suis parti dans un truc et je sais pas comment m'en sortir, je sais pas ce que je veux vraiment, j'ai peur que cette scène modifie radicalement la suite de ma vie, peu importe comment elle se termine. J'arrive pas à lui dire la vérité alors qu'au fond je lui en ai vaguement parlé la dernière fois mais pas à ce point. Je lui dis pas la vérité parce que c'est plus facile que d'assumer et si je reste une seconde de plus je... je sais pas ce que je vais faire. Je sais pas pour combien de temps je vais encore maîtriser cette crise de panique qui couve. Alors après m'être excusé pour sa soirée, je le regarde une dernière fois, la gorge serrée... et je commence à partir.