and i wonder what's on your mind – freya

J’ai comme la vague impression de revivre la dernière soirée de ce genre. Une invitation lancée et Freya qui vient jusqu’à chez moi, histoire de passer un agréable moment ensemble. Et puis, pour une raison qui m’échappe, ce baiser échangé qui nous a quelque peu troublés. Inattendu, voilà ce qu’il était, et notre relation en pâtie ces derniers temps. Malgré nous, parce qu’on n’ose pas en parler, on préfère parler de tout et de rien –mais jamais sans aborder le sujet fatidique. Je ne sais pas si mon invitation est l’occasion de mettre le sujet à plat, le premier but étant de profiter de cette soirée. Moi, je veux juste voir Freya. Mais si on venait à en parler, alors nous devrons mettre les pieds dans le plat. Inévitablement. Prêt, je ne sais pas si je le suis, ayant préféré préserver notre amitié depuis ce jour. Mais qu’est-ce que tout cela signifie ? C’est peut-être ça, la bonne question à se poser. Au menu, comme simple petit repas, j’ai pris le temps d’acheter des sushis dans la meilleure boutique du quartier –après les avoir toutes testées depuis mon arrivée à New-York. Une soirée simple, sans artifice, et rien que nous deux. C’est ça la clé d’une bonne soirée après tout. Tout est étrangement prêt en avance, ce qui je l’avoue ne me ressemble pas. Inutile de nier que j’ai une certaine appréhension, inutile soit-elle. Pas besoin d’en faire une montagne, pas besoin de se monter la tête. Pourtant, je me retrouve affalé sur le sofa du salon, devant la table basse bien garnie. Le temps me paraît une éternité, si bien que ça me fait même soupirer. J’aimerais la voir débarquer maintenant Freya, avec son sourire rassurant qui sous entendrait « tout va bien Luis ». Sauf que je la connais un minimum pour savoir qu’elle a bien dû y penser elle aussi, à cette fameuse soirée. Je n’ai pas le temps d’émettre d’autres hypothèses que j’entends toquer. Et maintenant, le temps paraît bien trop court, comme si j’avais envie de retourner en arrière. J’ai le sentiment d’être un gamin qui ne sait pas ce qu’il veut et qui a aussi, et surtout, peur. Je la découvre devant moi, de toute beauté, le visage chaleureux et son naturel indéniable. Bonsoir toi, que je lance, avec spontanéité. Un faible sourire trône sur mes lèvres, mais ce n’est qu’habituel, ça. Je ne suis pas un type qui sourit des masses. Je t’en prie, entre. Et je me pousse, la laissant entrer. J’ai presque l’impression que c’est la première fois que l’on se voit, que l’on passe une soirée en tête à tête. Alors que non … notre amitié, elle ne date pas d’hier. Freya, elle connaît mon chez moi par cœur, et pas besoin de lui préciser de se mettre à l’aise. Elle le sait déjà. Alors, bonne journée ?  

@freya goldstein

Elle entre finalement la demoiselle, ma laissant l’occasion de fermer lentement la porte d’entrée. J’appréhende presque le moment où je vais devoir me retourner, faire face à Freya, comme si de rien était. Pas facile d’oublier ce baiser lorsque le lieu du « crime » était ici-même, sur le canapé, à quelques pas de nous. Comme pour noyer cette appréhension inutile, je questionne la jeune femme quant à sa journée. Question et réponse qui m’importent réellement. Elle est parfaitement détendue, Freya. Je ris intérieurement en me disant que j’aimerais l’être moi aussi, mais c’est peine perdue. Je devrais songer à me mettre au yoga, alors. Sous-entendu : je ne suis pas aussi zen que toi. Freya me connaissant, ce n’est certainement pas un détail qui lui a échappé, parce qu’il est tellement facile de ressentir le malaise d’autrui. Chose qui n’est jamais arrivé entre nous, sauf depuis ce baiser. J’ai passé la journée à choisir des photos pour la prochaine expo. Le plus gros dilemme d’un photographe. Surtout lorsque chaque cliché compte à mes yeux, et qu’ils auraient, selon moi, tous leur place sur un mur, à la vue de tous. J’avance jusqu’au salon, invite Freya à se joindre à moi par la même occasion. Elle peut maintenant découvrir notre petit dîner, espérant que la vue des sushis lui donne envie. J’ai pris un peu de liberté pour choisir le repas. Un sourire pour clôturer ma phrase, mes mains qui s’appuient légèrement sur le dossier du canapé. Tu veux.. boire quelque chose ? Je me retiens bien de lui préciser la carte des vins dont je dispose. Peut-être voudra-t-elle un simple sirop, une bière ou rien que de l’eau. Ce serait plus raisonnable, en effet. Si tu ne veux pas d’alcool, j’ai tout ce qu’il faut aussi. Je me rends compte que je mets délibérément le sujet sur le tapis, un peu malgré moi, ce qui me fait me retourner et aller jusqu’à la cuisine. Là, c’est bien plus facile de fuir que d’assumer ses paroles non contrôlées. Que je déteste mon comportement, que je déteste devoir ne pas être aussi spontané que je le suis d’habitude. On est sur la réserve, et ça, ça ne nous ressemble pas.

Freya me fait doucement sourire, alors qu’elle me propose son avis, pour la citer, « non-expert ». J’ai de toute façon toujours aimé demander l’avis de la demoiselle depuis que nous sommes devenus amis proches. Parce qu’elle a toujours de bons conseils, Freya, et qu’elle a ce point de vue objectif que je ne peux clairement pas avoir. Alors bien sûr que je lui montrerai mon travail, et elle le sait. Mon invitée découvre donc le repas de ce soir et semble ravie. Un poids en moins qui s’envole, même si en matière de nourriture, je sais ce qu’aime ou n’aime pas Freya. C’est très bon la purée ! Mais à croire que la dernière soirée a tout chamboulé et me fait me comporter comme un ridicule adolescent. Clairement, toute la confiance en moi s’est envolée, presque comme par magie. Et c’est ainsi que je me suis retrouvé à lui proposer à boire, du vin ou autre chose que de l’alcool… C’est presque aussitôt que j’ai regretté ce que j’ai dit. Ne dit-on pas qu’il faut tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler ? Freya qui est venue s’appuyer à l’entrée de la cuisine, et mon regard qui remonte doucement jusqu’à elle. J’en ai. Et je crois qu’une soirée loin de l’alcool me sera que bénéfique. J’ai remarqué que j’ai pris un peu de ventre alors voilà … j’aurais bonne conscience à me dire que pour une fois, je passe une soirée sans boire au moins un verre. Et parce que je n’ai pas envie que le schéma de notre dernière se reproduise – et je ne dis pas ça péjorativement. C’est en quelques sortes ma façon de préserver notre amitié et je suis persuadé que Freya n’en pense pas moins. J’attrape alors une canette de Coca fraîche, que je verse dans un verre, pour ensuite le donner à la jeune femme. Une salle à New-York, normalement. Rien est encore sûr mais je mets toutes les chances de mon côté. Au pire, ils ne sauront pas à côté de quoi ils passent… Je prends ce faux air prétentieux, ce que je ne suis bien sûr pas. Mais l’humour, c’est une manière de décompresser, il paraît. Je propose qu’on aille s’installer au salon ? J’avoue que les sushis me font de l’œil… Et aussi que rester debout, dans cette pièce fermée, face à Freya est assez frustrant.

La salle de sport… que je répète, non sans un air presque provocateur sur le visage. Freya sait à quel point je ne suis pas un adepte de ce concept. C’est même inutile de croire pouvoir m’y emmener. Autant prétendre être claustrophobe ou je ne sais quoi d’autre. Un sujet sur lequel la demoiselle passe une grande partie de son temps à me taquiner, et ça m’amuse toujours autant. Ce soir, elle est cependant plus « raisonnable » et je le remarque. Il est grand temps que notre bonne entente revienne, parce que l’on ne peut pas passer sous silence de si longues années d’amitié. Un baiser, stoppé à temps, nous n’avons rien à nous reprocher. Dans l’idéal, c’est ce que j’espère croire, même si il y a une partie de moi qui s’en veut. Et une autre, qui l’a réellement désiré. Mon travail qui me sauve une fois de plus la vie, un sujet sur lequel je me sens tellement à l’aise que j’en oublie mes dernières pensées. Tu es voyante maintenant ? Tu as changé de vocation sans m’en parler ? Si seulement Freya pouvait dire vrai. C’est tout ce dont j’ai envie, d’exposer dans en immense salle reconnue. Que mes œuvres soient vues et revues par des millions de personnes. Le but ultime. Mais celui de la soirée, c’est bien plus de remplir nos ventres. Sushis au menu, un repas simple même pas préparé par mes soins. Je pourrais clairement faire mieux, mais je suis bien meilleur pour déguster que pour cuisiner. Ne traîne pas trop à choisir parce que quand je vais m’y mettre… Elle sait à quel point je suis un ogre. Par chance, j’ai un métabolisme prêt à éliminer naturellement tout ce que je peux engloutir. Et donc pas besoin de me forcer à aller à la salle de sport. Je pioche un premier met sans réfléchir, les aimant tous autant les uns que les autres. J’esquisse un fin sourire en voyant la brunette savourer le repas, même si je savais qu’elle apprécierait. J’aurais été mal si j’avais opté pour une purée ce soir, mh. Et je prends un deuxième sushi, et un maki en suivant. Comment va Zach ? Il aurait pu venir ce soir d’ailleurs. Moi qui adore les enfants, il n’aurait pas été déçu de venir faire un tour chez tonton Luis. Et puis peut-être qu’il aurait installé une atmosphère plus détendue en tentant d’arracher la plante de son pot de fleur, ou d’aller sauter sur mon lit. Une prochaine fois, probablement.